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Après avoir occupé les lieux pendant 500 ans, les militaires ont quitté les lieux récemment et la citadelle devient un lieu urbain, un nouveau quartier d’Ajaccio. Elle est maintenant en cours de mutation et « d’activation ». L’œuvre « Tra i petri » y participe.

De l’art contemporain pour le patrimoine – La citadelle Miollis d’Ajaccio est un monument-site, un « earthwork ». Sa géométrie est en prise optique avec le grand paysage.. L’œuvre « Tra i petri » est une sculpture-paysage, une intervention contemporaine qui réveille une architecture historique endormie. L’œuvre « Tra i petri » participe à la mutation du monument-site en réactualisant sa fonction première :  guetter l’horizon et le paysage. L’œuvre joue avec les points de visée et les séquences d’approche.

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

 La lumière, matériau immatériel de l’œuvre – « « Tra i petri » abolie le jointoiement. Les pierres de la muraille sont dissociées, elles semblent flotter dans l’air. On voit à travers. L’œuvre fragilise l’opacité des murs. Elle instille les lumières de la méditerranée dans les interstices, et ce faisant, donne l’image d’une citadelle plus poreuse, ouverte au changement. La chicane devient boite magique, la lumière du ciel s’infiltre dans l’escarpe, le bleu de la mer circule entre les pierres.

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

Crédit: Pierre-Yves Brunaud

 

 

« La Citadelle Miollis se dresse sur le rivage ajaccien, à un jet de pierre des eaux méditerranéennes dont elle a inlassablement gardé l’horizon depuis près de six siècles. Et comme un jet de pierre sur la surface cristalline de ces eaux, l’installation de l’artiste Gilles Brusset vient aujourd’hui pailleter les remparts centenaires d’une onde miroitante, qui semble vouloir se propager au-delà de nos côtes. Réfléchissant la lumière comme une coulée de sève nourricière, l’œuvre entoure ces pierres d’une humide étincelle qui cherche à embraser de renouveau les fondations de ce bâtiment historique. Elle symbolise la mutation en cours de la Citadelle, ouvrant enfin ses murs au monde méditerranéen qui se répand à ses pieds, pour laisser passer et partager la lumière.

Une réalisation sur mesure
L’installation se compose de plusieurs modules de tôle inox poli miroirs, découpés sur mesure à la forme des joints originaux. Ces fragments d’aciers sont parsemés sur le mur d’enceinte entourant l’entrée piétonne ainsi que sur la façade faisant face à l’horizon. Conçue en parfaite symbiose avec la matrice de l’appareillage architectural, cette couverture dessinée à même le corps de l’édifice, vient sertir la pierre de granite rose comme on sertirait une pierre précieuse. Et ne l’est-elle pas après tout, précieuse ? Cette pierre avec laquelle a été bâtie l’histoire d’Ajaccio, imprégnée de l’écume méditerranéenne, du sang des combattants et des pas des sentinelles. L’œuvre incite à porter un nouveau regard sur la citadelle. Attiré par le scintillement des miroirs, l’œil se pose sur les ouvrages de pierres appareillées qui deviennent des entrelacs fascinants de couleurs et de lumières, changeants au gré de la perspective atmosphérique. Ce désir remarquable de fixer les mouvements éphémères du ciel et des astres, d’en saisir les impressions fugaces sur les murs, est aussi mû par la volonté de créer des illusions qui stimulent la réflexion des visiteurs. Procédant par effacement, l’artiste utilise le miroir comme une gomme qui annihile la matière et crée des interstices surprenant la vision. De loin, ils donnent l’illusion que les pierres flottent dans une lumière éclatante et semblent se détacher d’un tout pour devenir des pièces uniques, d’exception. De près, la lumière semble sortir des murs eux-mêmes, devenus poreux pour s’ouvrir à la Méditerranée qui les entoure, les habite et les traverse. L’œuvre propose ainsi une subtile dialectique entre l’intérieur et l’extérieur de la citadelle, l’ancien et le nouveau, l’isolation et l’ouverture, la surveillance et la liberté, réactualisant ses formes, célébrant sa beauté et sa renaissance. Une renaissance qui se veut à la fois métaphorique et quotidienne, car chaque jour le soleil accomplit son cycle de lumière dans les miroirs de la citadelle.

Un nimbe de lumière méditerranéenne
C’est donc un véritable nimbe, fait du ciel méditerranéen lui-même, qui vient se poser sur l’édifice patrimonial. Dans l’iconographie classique, le nimbe – ce disque de lumière placé en couronne ou irradiant un corps entier – est un symbole de pureté céleste, mais aussi de puissance et de souveraineté. Ici, l’utilisation des miroirs en fait également un objet de réflexion collective. Dans ce miroir où l’on peut voir le ciel qui couvre notre Méditerranée toute entière, on peut également voir notre reflet individuel. « Les miroirs ont été inventés pourque l’homme se connût lui-même. Bien des avantages devaient résulter de cette connaissance de soi”(Sénèque, Questions naturelles). Grâce à cet usage, l’œuvre évoque dans un simple fragment ce sentiment de faire partie d’un tout que l’on souhaite embrasser, tout en restant unique et souverain.

Ornement, armure agissant sous la protection du ciel, percée lumineuse à travers les remparts, ouverture sur le monde, Tra I Petri nous invite également à nous regarder nous, insulaires, en tant que peuple et en tant que culture. Les joints antiques qui ont forgé l’histoire insulaire sont soudain magnifiés, remis sur le devant de la scène et chaque pierre est distinguée. Ce n’est plus un mur qui isole, c’est un mur qui unit. Avec sa forme organique, l’œuvre de Gilles Brusset sur la Citadelle Miollis laisse penser que sa progression est en cours, comme si elle devait encore se développer pour conquérir tout le terrain disponible. Comme si nous en étions encore aux prémices, à l’adolescence timide de cet éveil et de cette ouverture vers le monde méditerranéen. Intervention délicate et sensible, elle souligne néanmoins que cet édifice à l’autorité sempiternelle, qui semble ne pas bouger depuis des siècles, n’est pourtant déjà plus tout à fait le même. »

Prisca Meslier & Dumè Marcellesi
Commissaires d’exposition